Depuis plusieurs mois, la maman de Marielle* est victime d'un faux amoureux manipulateur sur Internet.
Elle a extrêmement peur qu'elle ne se ruine pour lui et tombe en dépression.
Par Thierry Roussin
En fin d’année 2017, Marielle a observé que sa mère entretenait une relation par le biais d’Internet. « Au début, je n’étais pas trop inquiète mais je me disais qu’il fallait que je reste vigilante ». Mais très vite elle constate que cette relation est toxique et que sa mère, âgée de 71 ans, est sous l’emprise d’un « brouteur » (1).
Chantage et argent
En regardant de près les conversations, Marielle remarque qu’il est principalement question d’argent, de sentiment et de chantage.
« Dans un message par exemple, il lui dit que si elle arrête d’envoyer de l’argent, il ne pourra plus se connecter et leur histoire d’amour ne pourra pas continuer ».
La retraitée, veuve, est rapidement tombée sous le charme de ce bel homme de 46 ans qui, peu de temps après l’avoir contactée sur une célèbre messagerie, lui a envoyé un bouquet de fleurs. Le petit cadeau à 35 euros fait son effet et il y ajoute un ingrédient pour l’alpaguer encore mieux.
« Dans les messages, on voit qu’il sait parfaitement y faire avec elle. Il lui dit qu’elle est extraordinaire et qu’il ne peut pas se passer d’elle ». Résultat, elle devient totalement dépendante de cet homme fantôme. Quand elle n’a pas de message de lui, elle ne va pas bien, elle est en panique et elle ne dort plus. Elle est complètement sous son emprise et elle gobe tout ». Un des techniques des « brouteurs » est de laisser penser qu’ils sont dans la galère. Celui-ci a fait croire qu’il a été victime d’une intoxication alimentaire en Afrique et l’hôpital lui réclame 900 euros. La maman de Marielle lui explique que « ce n’est pas possible, je t’ai déjà envoyé 600 euros hier ». Immédiatement, il se pose en victime et reproche « de ne pas te soucier de moi ».
« Elle a coupé les ponts »
Selon les calculs de Marielle, sa maman aurait déjà envoyé 7 000 euros à son « brouteur », « mais il est tout à fait possible que ce soit davantage ». Elle se dit très inquiète pour elle parce qu’elle est dépressive.
« Des amis ont tenté de l’alerter et de lui dire qu’il s’agissait d’une arnaque mais elle a coupé les ponts. Elle ne veut plus voir grand monde, elle s’enferme dans son histoire avec cet homme ».
La grande crainte de Marielle est que sa maman vide ses comptes et, pire, « qu’elle fasse ensuite des crédits à la consommation pour continuer à envoyer de l’argent. Si c’est le cas, avec sa petite retraite elle ne va pas s’en sortir ». Si la retraitée stoppe les envois, l’homme va très probablement la laisser tomber. « Que va-t-il se passer pour ma mère quand cela va arriver ? Elle risque de sombrer psychologiquement et on ne sait pas comment cette histoire peut se terminer ». Il faut mettre fin à ce drame, mais comment ?
« J’attends beaucoup du tribunal »
Marielle a remué ciel et terre pour tenter d’alerter les autorités et obtenir de l’aide. « Au début, il faut bien dire que j’avais le sentiment d’être très seule face à ce problème. La gendarmerie ne pouvait pas m’aider puisque c’est ma mère qui devait porter plainte contre cet homme ». Évidemment, elle ne peut s’y résoudre.
« Au greffe du tribunal on m’a expliqué qu’il fallait un certificat d’un médecin agréé par leur service pour faire reconnaître le fait que ma mère ne pouvait pas gérer sa vie. On m’a aussi dit que ma mère devait voir un psychiatre mais, évidemment, elle n’a pas accepté car elle estime qu’elle n’a pas de problème ».
Finalement, Marielle s’est directement adressé au procureur de la République qui, actuellement, fait évoluer le dossier.
« Normalement, il doit y avoir une audience en juin et j’espère que le tribunal va demander une vérification des comptes de ma mère pour savoir si d’autres personnes ne profitent pas de sa naïveté ».
Au-delà de cette analyse des comptes, Marielle pense que « le mieux pour ma mère serait qu’elle soit sous tutelle pour la protéger. Cela permettrait déjà qu’elle coupe tout contact avec cet homme qui aujourd’hui la rend très vulnérable ».
Dans son malheur, cette retraitée a au moins la chance d’avoir une fille pour l’aider à sortir d’une spirale infernale. Toutes les victimes ne peuvent en dire autant et finissent ruinées, financièrement et psychologiquement.
*Il s’agit d’un prénom d’emprunt
(1) Le « brouteur » est un cyberescroc, c’est-à-dire un criminel du numérique exploitant essentiellement la naïveté, la cupidité en usant d’une arme secrète et redoutable, la manipulation.